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20e Open de Villard de Lans; image credits to Echiquier Grenoblois

Adrien a participé à l’Open de Villard de Lans et nous raconte son parcours.

Cette année, le tournoi de Villard de Lans s’est déroulé du samedi 29 juin au samedi 6 juillet.

151 joueurs étaient présents, 110 joueurs dans le tournoi principal et 41 joueurs dans le tournoi accession. Je crois que c’est un peu moins que l’année dernière, sachant qu’il y a eu un jour, le dimanche 30 juin, où aucune partie n’a pu être jouée, les salles de jeu étant réquisitionnées pour le premier tour des élections législatives. Cela explique peut-être, au vu du contexte, la très légère baisse de participants par rapport à l’année dernière.

Fabrice et moi étions les deux représentants du club de la Reine Blanche de Sassenage, Fabrice dans le grand tournoi, et moi dans le tournoi accession.

C’est un tournoi de parties lentes avec une cadence de 1h30 pour les 40 premiers coups, plus ensuite un rajout de 30 minutes, et un incrément de 30 secondes par coup.

Je suis assez satisfait de mon tournoi, et en même temps un peu déçu.

Ce sont des parties lentes, et ça change beaucoup de choses. Personnellement, c’est la cadence de jeu que je préfère, ce n’est pas que je n’aime pas le rapide ou le blitz, mais je trouve qu’en parties lentes, on réfléchit différemment, on peut calculer de manière plus précise et envisager un plan d’ensemble.

Cette année, contrairement aux autres années, j’ai pris plus de temps pour réfléchir avant de jouer mon coup, alors même que j’étais tenté de jouer plus vite, je me suis freiné volontairement, pour éviter certaines erreurs, voire même des gaffes. Et malgré ça, j’ai commis de grosses bourdes, que j’aurais pu éviter.


Première partie. Je joue le plus fort Elo du tournoi (1651), un jeune joueur de 12 ans et futur gagnant avec 8 points sur 9 ! J’ai les blancs et j’ouvre avec 1.e4, et il me joue 1...c6, une Caro-Kann.

Je réfléchis une ou deux minutes, car je ne suis pas sûr de vouloir rentrer dans les grandes lignes, il est bien mieux classé que moi (j’ai 1487 points Elo).

Je me dis aussi qu’il doit connaître sa Caro-kann, je joue alors 2.De2, qui selon l’ordinateur, est inférieur aux grandes variantes, mais j’avais vu que ça existait, parce que j’avais un peu regardé quelques plans sur Lichess. L’idée est de mettre le fou f1 en g2, faire le petit roque, et si possible le fou c1 en b2, mais il va choisir un plan avec 3...g6, 4...Fg7, ce qui m’empêchera de sortir mon fou en b2.

La partie a été longtemps égale, et je vais réussir à gagner un pion, et donc prendre un petit avantage, avant de faire une grosse faute stratégique, lui permettant d’infiltrer ses tours sur ma deuxième rangée. Après la perte d’une pièce, et des menaces de mat sur mon roi, j’abandonne.

Deuxième partie. Je joue un adulte avec un Elo légèrement inférieur au mien, j’ai les noirs et je joue une ouverture que je ne joue pratiquement jamais, la Scandinave avec 2...Cf6 ( 1.e4 d5 2.exd5 Cf6).

Diagramme 1

C’est une défense qui se joue beaucoup sur internet, réputée piégeuse et agressive, j’avais vu une vidéo dessus, l’idée étant de développer rapidement l’aile dame, en mettant par exemple le fou c8 en g4, et de faire le grand roque, pour mettre une pression sur la colonne d, après avoir repris de la dame en d5.

Diagramme 2

En milieu de partie, je réussis à gagner deux pions, avec un pion passé protégé, mais il reste encore beaucoup de pièces.

Et comme souvent, parce que je sais que je suis un peu mieux, je vais alors jouer “petit bras”, et redonner du contre-jeu à mon adversaire, qui va regagner mes deux pions de plus. Pour finir, je sacrifie une tour pour un fou pensant récupérer du matériel sur une tactique, qui malheureusement ne fonctionnera pas à cause d’une erreur de calcul de ma part. Deuxième défaite, j’accuse un peu le coup.

Troisième partie. J’ai les blancs et c’est encore une Caro-Kann, mais mon adversaire va faire une petite imprécision dans l’ouverture.

Diagramme 3

Les noirs prennent normalement en f3 avec le fou. Après 4.exd5 cxd5 5.g4 Fg6 6.Fb5+ Cc6 Ce5 les blancs sont un peu mieux.

Diagramme 4

Je vais prendre un avantage car il ne peut pas roquer, sous peine de perdre du matériel.

Mais n’ayant moi non plus encore roqué alors que j’aurais dû, il va me placer un échec, qui attaque en même temps un de mes fous, non protégé. Je perds donc une pièce!

Son roi est quand même lui aussi au centre, une des ses tours ne joue pas ainsi que son fou f8, bloqué par un pion.

Je réussis à amasser des pièces autour de son roi, et c’est par un mat en 4 que je gagne ma première partie, je suis soulagé.

Je vais gagner encore trois parties consécutives, faire nulle à la septième ronde pour avoir 4,5 points sur 7. Je suis bien remonté dans le classement du tournoi, étant provisoirement 10e. Il reste encore deux rondes, et j’ai envie de rester sur cette lancée.

A la ronde 8, je joue contre une jeune adversaire… de 8 ans! Elle aussi a 4,5/7.

J’ai les noirs, et nous jouons une partie Ecossaise.

J’ai été impressionné par sa maturité, elle n’a joué que des coups théoriques et suivi un plan d’ensemble très cohérent pour me laisser avec un pion isolé d.

J’ai regardé après sur internet, et c’est un des plans qui se joue dans l’Ecossaise dans la variante 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.d4 exd4 4.Cxd4 Cf6 5.Cc3 Fb4 6.Cxc6 bxc6 7.Fd3 O-O 8. O-O d5 9.exd5 cxd5 10.Fg5 c6 11.Ce2 (pour recycler le cavalier, avec l’idée de jouer plus tard c4 pour mettre la pression sur le pion d5 des noirs et potentiellement les laisser avec un pion isolé) 11...h6 12.Fh4 Fe7 13.c4, les noirs ne peuvent pas vraiment prendre en c4 au risque de dégrader leur structure de pions.

Diagramme 5

Mais la partie ne se jouera pas là-dessus, car après une tactique que j’ai mis du temps à voir, j’ai menacé de gagner une de ses tours.

Mon adversaire va alors… sacrifier sa dame contre une tour, et l’ordinateur dit que c’est la meilleure ligne, car ça lui permet de pousser deux pions passés à l’aile dame, je dois alors ramener mon cavalier pour éliminer ses deux pions, j’y parviens mais je perds mon cavalier au passage, mangé par sa tour.

Nous nous retrouvons alors dans une finale où mon adversaire a une tour, un fou et trois pions à l’aile roi, j’ai de mon côté dame et trois pions à l’aile roi.

Diagramme 6

Et l’ordinateur évalue cette finale à 0 !

Je vois que je n’arrive pas à progresser avec mon roi car elle ne cesse de donner des échecs latéraux avec sa tour, j’hésite à proposer nulle, mais en voulant forcer le destin, je vais amener mon roi dans ses pions et me faire mater par sa tour, je suis dégoûté !

Diagramme 7

Affecté par cette défaite dans une partie qui a duré près de 3 heures, et mentalement fatigué, je jette l’éponge et décide de déclarer forfait pour la neuvième ronde.


Mon tournoi s’achève de manière un peu amère, mais je sais que j’ai pris du plaisir, et c’est ce que je retiendrai en premier. Car disputer un tournoi de parties lentes sur une semaine est une expérience enrichissante et amusante. Notamment pour sa progression aux échecs.

Adrien